En français, tout nom est soit masculin, soit féminin. Lorsque vous parlez de quelqu’un en utilisant un pronom à la troisième personne, peu important son identité de genre, vous devez trancher en faveur de l’une ou de l’autre de ces catégories. Alors que la troisième personne du pluriel they est utilisée en anglais pour remplacer les singuliers he et she, ce pronom est divisé en « ils » et « elles » en français. Pour beaucoup, cette réalité est quelque chose qui provoque un inconfort. Dans un monde qui évolue vers une plus grande inclusivité, de nombreux activistes ont proposé des solutions à ce défi. J’aimerais vous parler de deux des solutions les plus courantes que certains ont commencé à utiliser : l’ajout d’un point médian et la création de pronoms neutres.

Biographie de l’auteure : Vivian Gu est une jeune passionnée par les langues qui souhaite entreprendre une carrière en droit. Elle participe activement à des débats et à des concours de discours tout en affinant ses compétences diplomatiques grâce à Model United Nations. Elle a débattu en français au niveau national. Elle emmènera sa passion pour les langues avec elle l’année prochaine à l’Université d’Oxford.

L’ajout d’un point médian

Lorsque j’ai commencé à apprendre le français, il m’a toujours semblé étrange qu’un groupe de femmes soit appelé « elles », mais dès qu’un seul homme intervenait, on désignait ces personnes avec le pronom « ils ».

Cette préférence pour le pronom masculin a été critiquée par certains activistes, qui y voient une forme de sexisme. La solution serait l’adoption du point médian, une technique qui consiste à ajouter un point pour séparer et inclure à la fois les terminaisons masculine et féminine d’un nom (Zaretsky). Par exemple, au lieu des citoyens, ce serait les citoyen.ne.s (Zaretsky). Si cette technique semble relativement facile à adopter, elle devient plus difficile à utiliser avec des mots tels que chanteur.euse.s. Cependant, même si l’adoption du point médian s’avère compliquée, elle peut être une force puissante qui façonne la manière dont nous voyons la société et qui aide les autres à se sentir plus inclus. Quand on voit les président.e.s au lieu des présidents, cela rappelle aux filles et aux femmes qu’elles aussi peuvent occuper ce poste.

Personnage qui se questionne

La création de pronoms neutres

Comparée au simple ajout d’un point médian, la création et l’utilisation de pronoms non genrés est plus compliquée. Plusieurs pronoms neutres ont déjà été suggérés, dont « ul », « ol », « al », et « yul » (Ledsom). Le plus populaire est « iel », une combinaison de « il » et « elle ». Or, même lorsqu’un pronom neutre comme « iel » est utilisé, le reste de la phrase ne devient pas forcément neutre (Le Breton). Par exemple, on peut encore avoir à choisir entre « iel est intelligent » ou « iel est intelligente ». L’utilisation complémentaire du point médian peut venir régler ce problème, mais certains soutiennent que l’inclusion des terminaisons masculines et féminines n’est pas neutre car elle renforce la division du genre (Ledsom).

Même aujourd’hui, « iel » n’est toujours pas formellement considéré comme faisant partie de la langue française par l’Office Québécois de la Langue Française au Canada (Ledsom). Son usage est reconnu, mais n’est pas officiellement sanctionné.

Un effort nécessaire

Certains sont d’avis que changer la langue français pour qu’elle soit plus inclusive ne vaut pas la peine. Pour ma part, il est clair que l’ajout de pronoms non genrés à notre langage est devenu nécessaire, parce qu’ils sont de plus en plus essentiels à l’expression identitaire de chaque individu, ce qui influence leur estime de soi. Le but de la langue est de permettre la communication, et ce but ne peut être atteint que lorsque les gens sont capables de bien véhiculer leurs pensées, y compris celles qui touchent à leur identité, à travers leur langue. Intégrer le point médian ou des pronoms neutres nous demande un peu d’effort, mais nous permet de mieux respecter les gens qui nous entourent.

Au fil de l’histoire humaine, nos moyens de communications, dont la langue, ont énormément évolué au fur et à mesure que la société progressait. De toute évidence, le langage n’est pas figé; il peut être remodelé. Après tout, de nouveaux mots sont ajoutés à notre vocabulaire chaque année. Il est grand temps que nous nous ajustions.

Personne Gingenre, un diagramme permettant de mieux comprendre l'identité de genre

De plus, comme suggéré par les défenseurs des théories du déterminisme linguistique et de la relativité linguistique, le langage façonne souvent notre moyen de penser, puisque nos pensées, nos croyances et nos émotions sont communiquées par des mots. Une étude intitulée « Language Matters: Gender Grammar and Observed Gender Discrimination » suggère même que la participation des femmes sur le marché du travail est plus faible dans les pays dont les populations parlent des langues genrées masculin-féminin que dans les pays où les langues parlées permettent d’exprimer la neutralité (Gay et al). 

L’évolution de la langue française vers l’inclusivité est loin d’être terminée et la route à parcourir sera certainement ardue. Cela étant dit, il ne faut pas se laisser décourager, parce que les progrès adviennent rarement créés sans défis et la défense des droits de la personne, même entre les lignes de nos bescherelles, est une lutte juste.

Ouvrages cités

Gay, Victor, et al. « Language Matters: Gender Grammar and Observed Gender Discrimination. » VOX, CEPR Policy Portal, voxeu.org/article/language-matters-gender-grammar-and-observed-gender-discrimination.

Killermann, Sam. « Personne Gingenre. » Traduit par Fédération Canadienne des Étudiant.e.s. It’s Pronounced Metrosexual, https://www.genderbread.org/resource/personne-gingenre-v3-3.

Lachmann-Anke, Marco et Lachmann-Anke, Peggy. « Questions, Answers, Question Mark, Response, Help. » Pixabay, 3 Nov. 2017, https://pixabay.com/illustrations/questions-answers-question-mark-1014060/.

Le Breton, Marine. « Le Mot De L’année 2019 Aux États-Unis En Est Un Qui Manque » Cruellement En France.” Le HuffPost, Le HuffPost, 10 Dec. 2019, www.huffingtonpost.fr/entry/le-mot-de-lannee-2019-aux-etats-unis-en-est-un-qui-manque-cruellement-en-france_fr_5def62e4e4b05d1e8a5754cf?utm_hp_ref=fr-homepage&ncid=other_homepage_tiwdkz83gze&utm_campaign=mw_entry_recirc.

Ledsom, Alex. « Le, La But Not ‘They’: An Explainer On France’s Language Problem. » ForbesForbes Magazine, 10 Mar. 2021, www.forbes.com/sites/alexledsom/2021/03/10/le-la-but-not-they-an-explainer-on-frances-language-problem/?sh=32d7f339752b.

Zaretsky, Robert. « France Is Debating Whether French Is Sexist. » Foreign Policy, Foreign Policy, 20 Nov. 2017, foreignpolicy.com/2017/11/20/france-is-debating-whether-french-is-sexist/.

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